À propos des crimes commis par Mohamed Merah, par Jean-Marie Muller

Plus que jamais l’actualité des drames de Toulouse et Montauban, nous confirme l’urgence de notre mission ancrée dans la prévention de la violence et nous invite à prendre notre part dans des actions orientées vers l’éducation pour ouvrir à la culture de la non-violence et le mieux vivre ensemble. Jean Marie Muller s’exprime sur ces tragédies…..

NOUS AUTRES MEURTRIERS

Jean-Marie Muller *

« Tu tues mes frères, je te tue. » a dit Mohamed Merah en référence à la présence française en Afghanistan  (propos  rapportés  par  le  procureur  de  Paris  chargé  des  investigations),  avant  de tirer  à  bout  portant  sur  Imad  Ibn  Ziaten  (30  ans,  d’origine  marocaine  et  de  confession musulmane). Celui-ci meurt aussitôt d’une balle dans la tête. C’était le 11 mars dans un parking dans la banlieue de Toulouse. La victime était un soldat. Maréchal des logis chef, il avait servi sur plusieurs théâtres extérieurs, mais non pas en Afghanistan.

Quatre  jours  plus  tard,  le  15  mars,  non  loin  de  la  caserne  du  17e  régiment  parachutiste  de Montauban, deux soldats, le caporal Mohamed Legouad (28 ans, de confession musulmane) et le 1ère classe Abel Chennouf (25 ans, d’origine kabyle et de confession catholique, ayant servi en Afghanistan), sont tués par un tireur circulant sur scooter bleu. Un troisième, Loïc Liber (28 ans,  guadeloupéen  de  religion  catholique)  est  grièvement  blessé.  Le  tueur  repart  en  criant : « Allah Akhbar !».

Le  lundi  19  mars,  à  Toulouse,  un  homme  circulant  sur  un  scooter  blanc  s’arrête  devant  le portail du collège-lycée juif Ozar-Hatorah, tire sur Jonathan Sandler, un professeur  de 30 ans, et ses deux fils, Arieh, 6 ans, et Gabriel, 3 ans. Tous trois sont mortellement blessés. Pénétrant dans la cour de l’école, l’homme attrape une fillette par les cheveux et lui tire une balle dans la tête. Il s’agit de Myriam Monsenego, la fille du directeur de collège-lycée. Un jeune garçon de 17 ans est gravement blessé. Le tueur regagne son scooter et repart. L’horreur absolue.

Le 22 mars à 11h30, Mohamed Merah, vêtu d’une djellaba noire, meurt comme il l’a souhaité, « comme  un  combattant,  les  armes  à  la  main »,  tué  par  les  tirs  des  policiers  du  RAID  qui assiégeaient son appartement depuis 32 heures. Ils ont pour mission de le capturer vivant. « Si c’est  vous,  leur  a  dit  l’homme  assiégé,  tant  pis  pour  vous.  Si  c’est  moi,  tant  pis,  j’irai  au paradis. » « Nous avions affaire, dira le procureur de Paris, à quelqu’un de très déterminé. » La mission a échoué. La justice ne sera pas rendue.

Ces  meurtres  d’innocents  commis  froidement  par  Mohamed  Merah  ont  soulevé  en  France  et partout  dans  le  monde  un  immense  mouvement  d’émotion  et  d’indignation.  Comment  ne  pas ressentir  une  réelle souffrance face à une telle tragédie ? Oui, ces meurtres sont in-dignes, ig-nobles, in-acceptables, in-tolérables, in-justifiables. Au sens strict de l’expression, ces meurtres sont des crimes contre l’humanité.

Nombre de commentateurs ont renchéri pour condamner les agissements de ce criminel, de cet assassin, de ce fanatique, de ce fou, de ce barbare, de ce malade mental, de ce psychopathe, de   2 ce  sadique,  de  ce  détraqué,  de  ce  désaxé,  pour  tout  dire  de  ce  « monstre »  (La  première  définition que le Petit Robert donne ce mot est celle-ci : « Être animal fantastique et terrible ».) Et  il  n’y  aurait  rien  d’autre  à  dire.  Sur  ce  registre,  Nicolas  Sarkozy  s’est  montré particulièrement  éloquent :  « Je    ne  pense  pas,  a-t-il  déclaré  le  26  mars,  que  la  présence  d’un homme  aussi  inhumain,  barbare,  monstrueux  a  quelque  rapport  avec  nos  sociétés ».  Est-ce  si sûr ?  Ce  discours  explicatif  psychologisant  qui  vise  à  déshumaniser  un  ennemi  public  pour mieux  le  condamner,  s’il  peut  apparaître  pratique,  est  trop  facile,  trop  simple  pour  être satisfaisant.  S’en    tenir  à  ce  discours,  n’est-ce  pas  mésestimer  sinon  ignorer  les  éléments explicatifs  politiques,  idéologiques  et    religieux  qui  peuvent  rationaliser  l’action  violente  fut-elle criminelle, fut-elle, osons le mot  « terroriste 1 » ?

Chacun  d’entre  nous  pourrait  être  tenté  de  croire  faire  preuve  d’humanité  en  multipliant  les accusations et les condamnations en voulant dénier toute humanité à Mohamed Merah. Si nous n’y  prenions  garde,  chacun  de  nous  pourrait  se  donner  bonne  conscience  en  voulant  exclure, retrancher cet homme de notre commune humanité. Chacun pourrait  croire qu’il attesterait de son  innocence  en  accablant  le  coupable  et  en  l’enfermant  dans  cette  condamnation.  Mais,  en réalité, chacun ne ferait preuve que de son ignorance.

Ne  devons-nous  pas  tenter  de  réfléchir  au-delà  de  notre  indignation,  tenter  de  faire  œuvre  de raison  au-delà  de  l’émotion ?  Afin  précisément  que  cela  ne  se  reproduise  pas.  Cette  violence qui nous indigne, nous scandalise et nous révolte à juste titre n’est-elle pas une excroissance de multiples  violences  qui  ne  nous  indignent  pas,  ne  nous  scandalisent  pas  et  ne  nous  révoltent pas parce qu’elles sont recouvertes par de multiples justifications offertes par l’idéologie de la violence nécessaire, légitime et honorable qui domine nos sociétés ?

Faut-il  refuser  d’entendre  et  d’écouter  Mohamed  Merah  lorsqu’il  nous  dit  qu’il  a  exécuté  ses victimes pour protester contre la guerre en Afghanistan et pour venger les enfants palestiniens tués  à  Gaza ?  Cependant  l’entendre  et  l’écouter,  ne  serait-ce  pas  commencer  à  l’excuser ?  Or cela  nous  ne  le  pouvons  d’aucune  manière :  ces  meurtres  doivent  demeurer  sans  excuse d’aucune  sorte.  Car  il  faut  le  dire  et  le  redire,  jamais  le  meurtre  d’enfants  innocents  ne  peut excuser  le  meurtre  d’autres  enfants  innocents.  Faut-il  pour  autant  refuser  de  tenter  de comprendre ce qui a conduit cet enfant de nos cités, mais qui est davantage l’enfant des prisons de  la  République  que  de  ses  écoles,  à  devenir  le  meurtrier  de soldats qui auraient pu être nos fils,  nos  frères  ou  nos  amis,  le  meurtrier  d’enfants qui  auraient  pu  être  nos  enfants ? N’est-ce pas aussi un devoir d’humanité que de vouloir comprendre ?

Le  19  mars,  Catherine  Ashton,  Haut  Représentant  de  l’Union  Européenne  pour  les  affaires étrangères,  a  déclaré  à  l‘issue  d’une  conférence  sur  l’avenir  de  la  jeunesse  palestinienne : « Quand nous pensons à ce qui s’est passé aujourd’hui à Toulouse, quand nous nous souvenons de ce qui s’est passé en Norvège il y a un an, quand nous savons ce qui se passe à Gaza et dans d’autres  partie  du  monde,  nous  pensons  aux  jeunes  et  aux  enfants  qui  perdent  leur  vie. » Catherine  Ashton  ne  compare  ces  situations  assurément  fort  différentes  que  parce  qu’elles concernent  toutes  des  meurtres  d’enfants.  Cependant,  ces  propos  ont  été  jugés  parfaitement scandaleux  et  révoltants  par  les  dirigeants  politiques  israéliens.  Le  ministre  des  affaires étrangères, Avigdor Lieberman, a estimé que Mme Ashton ferait mieux de se préoccuper « des enfants  qui  vivent  dans  le  sud  d’Israël  avec  la  peur  constante  des  attaques  à  la  roquette  de Gaza ». Sans aucun doute, ces enfants israéliens méritent aussi notre compassion. Mais, face à la souffrance des enfants, celle-ci ne saurait être sélective.

Pour ma part, j’ai toujours pensé que les tirs de roquette effectués de Gaza ne contribuaient pas à rendre justice aux Palestiniens. C’est ainsi que j’écrivais le 26 février 2008 :

« Comment  ne  pas  vouloir  comprendre  que  les  quelques  roquettes  artisanales  lancées  depuis Gaza sur le territoire d’Israël ne peuvent avoir d’autre efficacité que de provoquer un surcroît de  violence  de  la  part  des  Israéliens.  La  violence  n’est  pas  une  fatalité.  Elle  n’impose  jamais d’elle-même  ses  lois.  Mais,  dès  lors  qu’on  l’a  choisie,  ses  lois  sont  implacables.  Inflexibles. Accablantes.  Cruelles.  Féroces.  Inhumaines  enfin.  Je  pense  qu’il  est  de  la  responsabilité  de ceux qui entendent affirmer leur solidarité avec les Palestiniens de dire cela haut et fort. »

Dans  un  post-scriptum,  je  rendais  compte  des  événements  qui  étaient  survenus  les  jours suivants :  « Dans  la  matinée  du  27  février,  un  raid  israélien  frappe  un  minibus  de  la  branche armée du Hamas à Khan Younès au sud de Gaza, tuant cinq Palestiniens et blessant un sixième. Un  second  raid mené sur le même site quelques minutes plus tard fait trois blessés. Le même jour,  une  roquette  de  la  résistance  est  tirée  de la  bande  de  Gaza  et  frappe  de  plein  fouet  le collège Sapir, au nord de la ville de Sdérot et tue un Israélien. C’est le premier mort israélien depuis  la  prise  de  pouvoir  par  le  Hamas  à  Gaza  en  juin  2007.  Ce  tir  de  roquette,  affirme  un communiqué  du  Hamas,  est  « une  réponse  au  massacre  sioniste  commis  par  l’aviation israélienne  ce  matin  à  Khan  Younès ».  Peu  après,  deux  Palestiniens  sont  tués  et  deux  autres blessés dans un nouveau raid israélien au nord-est de la ville de Gaza. Le 28 février, plusieurs raids  de  l’aviation  israélienne  sont  menés  sur  Gaza.  En  deux  jours,  trente  et  un  Palestiniens sont  tués,  dont  quinze  civils  parmi  lesquels  huit  enfants  dont  un  bébé  de  six  mois.  (…)    Et chacun  des  deux  camps  ennemis  va  continuer  à  justifier  ses  meurtres  par  ses  morts 2. »  Est-il possible de suggérer que le ministre israélien des affaires étrangères devrait aussi se préoccuper de ces enfants palestiniens tués à Gaza ? N’étaient-ils pas aussi innocents que les enfants juifs tués  à  Toulouse ?  Et  pourtant  qui,  en  France,  s’est  scandalisé  face  à  ces  meurtres  d’enfants palestiniens ?  Qui,  aujourd’hui  en  France,  s’indigne  face  à  la  situation  d’injustice  gravissime subie  par  le  peuple  palestinien ?  Faut-il  donc  refuser  obstinément  de  reconnaître  le  lien d’humanité  qui  reliait  Mohamed  Merah  aux  enfants  meurtris  de  Palestine ?  Est-ce  vraiment scandaleux de reconnaître à ce lien une dimension politique ?

Philippe  Faucon  est  le  réalisateur  du  film  « La  Désintégration »  qui  décrit  le  basculement  de trois jeunes de Lille dans le terrorisme islamiste. Dans une interview au journal Le Monde (26 mars  2012),  il  disait à  propos  des  meurtres  commis  par  Mohamed  Merah  :  « Il  y  a  une  chose que je voudrais livrer à notre réflexion à tous, à partir de l’expérience de « La Désintégration ». La question des enfants palestiniens tués à Gaza, je l’ai souvent entendu évoquer, avec colère et violence,  par  des  jeunes  que  j’ai  rencontrés  lors  du  tournage  du  film.  Ces  jeunes  avaient presque toujours le sentiment que ces victimes-là n’ont pas droit de cité. Ont-ils ce sentiment à tort ou à raison ? » Le cinéaste précisait que l’une des enseignantes qu’il avait consultée lors du tournage du film lui avait confié que, dans sa classe, la majorité des élèves n’avait pas accepté d’observer  une  minute  de  silence  en  mémoire  des  enfants  tués  par  Mohamed  Merah,  en répondant  qu’il  aurait  fallu  faire  de  même  pour  les  enfants  tués  en  Palestine. Rappelant  que Nicolas Sarkozy avait dit que « Mohamed Merah était un monstre et qu’il n’y avait rien d’autre à comprendre de son parcours », Philippe Faucon ajoutait : « Ce qu’a fait Mohamed Merah est effectivement monstrueux. Mais ce n’est pas en se limitant à dire cela qu’on évitera que cela se  reproduise. (…) Il suffit d’aller voir sur les sites de vidéos, où l’on trouve des images d’enfants tués à Gaza, et de parcourir les réactions qu’elles suscitent, pour prendre la mesure de toute la violence qui peut être en germe. »

S’agissant  de  la  guerre  en  Afghanistan,  tous  les  observateurs  avertis  reconnaissent « l’enlisement »,  « l’embourbement »  de  l’action  militaire  de  la  coalition  occidentale.  Le  26 août 2008, l’enquête de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA) a affirmé  avoir  « trouvé  des  preuves  convaincantes,  fondées  sur  le  témoignage  de    témoins visuels,  et  d’autres,  que  90  civils  ont  été  tués,  dont  60  enfants. »  Le  11  mars  2012,  un  soldat américain  tue  16  civils  dont  neuf  enfants  dans  deux  villages  de  la  province  de  Kandahar.  Le président  Hamid  Karzaï  a  déclaré  au  sujet  de  ce  massacre :  « C’est  un  assassinat,  le  meurtre intentionnel de civils innocents. »

Il est urgent de se demander si la violence aveugle des bombardements et des tirs meurtriers de la coalition occidentale est de nature à faire prévaloir les valeurs universelles de la civilisation sur les forces de la barbarie. Quel message l’Occident fait-il parvenir au peuple des humiliés en lançant ses bombes et en tirant ses balles tueuses d’enfants sur les maisons afghanes ?

L’élément  religieux  a  souvent  été  mis  en  avant  dans  le  dossier  de  Mohamed  Merah.  Il  est  en effet  établi  que  celui-ci  se  référait  à  un  islamisme  radical.  Dès  lors,  sa  croyance religieuse ne peut pas ne pas être prise en compte dans l’effort de compréhension de son geste. Sans aucun doute, la première précaution doit être d’éviter tout amalgame qui conduirait à stigmatiser nos concitoyens de confession musulmane en les suspectant tous de justifier la violence terroriste. Nombre de musulmans ont une vision pacifiée de l’islam. De même, il nous faut redoubler de vigilance pour éradiquer l’antisémitisme dont les racines sont toujours vivantes au sein de notre société.

Cependant, l’histoire d’hier et d’aujourd’hui atteste que les religions, toutes les religions, donc l’islam  comme  le  judaïsme  et  comme  le  christianisme,  ont  pactisé  avec  l’idéologie  de  la violence  en  construisant  des  doctrines  de  la  violence  légitime  et  des  théologies  de  la  guerre juste.  En  de  nombreux  versets,  la  Bible  et  le  Coran  laissent  croire  que  Dieu  lui-même s’accommoderait  de  la  violence  et  du  meurtre.  Le  registre  explicatif  de  la  religion  doit  donc être aussi étudié pour tenter de comprendre les agissements de Mohamed Merah. L’islam n’est pas  l’islamisme, mais l’islam ne saurait être entièrement dédouané de l’islamisme. Il ne suffit pas d’affirmer que le judaïsme, le christianisme et l’islam sont des religions de paix. Le fait est qu’elles sont aussi des religions de guerre. Tout au long des siècles, les religions n’ont pas eu le courage spirituel de se mettre en règle avec le meurtre. Pour pacifier l’avenir de nos sociétés, il est urgent de désarmer les religions et les théologies. Il est urgent de désarmer les dieux 3.

Il est précieux aujourd’hui de relire et de méditer Albert Camus. Notre monde, affirme-t-il, est « le  monde  du  meurtre ».  Dans  Nous  autres  meurtriers,  Camus  écrit  que  le  seul  combat  qui vaille est de lutter contre le meurtre. « Il n’y a qu’un seul problème aujourd’hui qui est celui du meurtre. Toutes nos disputes sont vaines. Une seule chose importe qui est la paix. Les maîtres du  monde  sont  aujourd’hui  incapables  de  l’assurer  parce  que  leurs  principes  sont  faux  et meurtriers.  Que  du  moins,  et  dans  tous  les  pays,  ceux  qui  refusent  le  meurtre  se  réveillent, dénoncent  ces  faux principes. » Il insiste : « Ceux qui ne veulent pas tuer doivent parler et ne dire  qu’une  seule  chose,  mais  le  dire  sans  répit,  comme  un  témoin,  comme  mille  témoins  qui n’auront de cesse que lorsque le meurtre, à la face du monde, sera répudié définitivement 4. »

Dans  un  autre  texte,  Sommes-nous  des  pessimistes ?,  Albert  Camus  écrit :  « Les  gens  croient qu’ils ont assez fait pour le bien de l’homme en ne tuant personne directement et en s’efforçant de  ne  mentir  que  le  moins  possible.  (…)  Ceux  qui  vivent  dans  un  pareil  monde  sans  le condamner  de  toutes  leurs  forces  (c’est-à-dire  presque  tous)  sont  à  leur  manière,  aussi meurtriers  que  les  autres ».  Quant  aux  réalistes,  ils  « n’entreprennent  aucune  tâche  qui  soit vraiment importante ou vraiment humaine, c’est ainsi que même sans le vouloir, ils consacrent le monde du meurtre 5 ».

Il nous faut également relire et méditer le merveilleux poète libanais Khalil Gibran. Lorsqu’un des  juges  de  la  cité  d’Orphalese  demande  au  prophète  Alamustafa  de  parler  de  « Crime  et  de Châtiment », il répondit, disant : « Souvent  je  vous  ai  entendu  parler  de  celui  qui  commet  une  mauvaise  action  comme  s’il n’était pas l’un des vôtres, mais un étranger parmi vous et un intrus dans votre monde.

Mais je vous le dis, de même que le saint et le juste ne peuvent s’élever au-dessus de ce qu’il y a de plus élevé en chacun de vous,

Ainsi  le  mauvais  et  le  faible  ne  peuvent  tomber  au-dessous  de  ce  qu’il  y  a  également  de  plus bas en  vous.

Et de même qu’une seule feuille ne jaunit qu’avec le silencieux assentiment de l’arbre entier,

Ainsi le malfaiteur ne peut agir mal sans le secret acquiescement de vous tous. (…)

Le juste n’est pas innocent des actions du méchant,

Et celui qui a les mains blanches n’est pas indemne des actes du félon.6. »

Oui, les meurtres de Mohamed Merah sont des crimes contre notre commune humanité…

Qui pourrait penser les justifier ?

Non, Mohamed Merah n’est pas un « monstre » qu’il faut  retrancher de notre humanité…

Oui, les meurtres des enfants palestiniens et afghans sont aussi des meurtres in-justifiables…

Oui, la mort de Mohamed Merah est aussi un drame…

Oui, nous sommes tous responsables…

Et nous sommes tous coupables…

Nous sommes tous meurtriers…

Et  Mohamed  Merah,  en  dépit  de  toutes  ses  errances,  est  lui-même  une  victime  de  ce  monde meurtrier…

Quand tout est dit, et quoi qu’on en dise encore, il est permis de penser que nous avons envers lui un devoir d’humanité qui nous conduit à exprimer à son égard un geste de compassion…

Chacun de nous est sommé d’assumer sa part de responsabilité pour inscrire dans l’histoire les principes philosophiques et les actions politiques, les uns et les autres respectueux de la dignité humaine,  qui  permettront  de  faire  face  aux  injustices  et  aux  violences  qui  meurtrissent  les hommes dans notre société et partout dans le monde…

Pour maintenir  l’espérance vivante dans le cœur de nos enfants…

*  Philosophe et écrivain, membre du Mouvement pour une Alternative Non-violente ( MAN : www.nonviolence.fr ).

1 Cf. l’article « terrorisme » dans mon « Dictionnaire de la non-violence (Relié Poche)

2 « Le meurtre est la question posée, Les Palestiniens et les Israéliens face au défi de la violence », www.nonviolence.fr

3 Sur ce sujet, cf. mon livre Désarmer les dieux, Le Relié Poche.

4 Ibid., p. 687.

5 Ibid., p. 751.

6 Khalil Gibran, Le prophète, Paris, Casterman, 1956, p. 40-41.

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